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Retour aux bases : pourquoi les anticorps érythrocytaires ont une préférence de température ?

Un blogue d’Eric Ching :

La sérologie de groupe sanguin la règle de base veut que pour chaque règle donnée, il y a des exceptions!
 
Nous, du moins moi-même, avons tendance à utiliser des mots comme : la plupart du temps, presque toujours, pourrait, pas habituellement, rare, très improbable, extrêmement rare…. pour couvrir ces exceptions.
 
Au cours de nos formations académiques, nos enseignants nous ont appris que la plupart des anticorps IgM réagissent au froid, tandis que presque tous les anticorps IgG préfèrent une période d’incubation à 37ºC pour une liaison antigénique optimale avant le test indirect à l’antiglobuline (TIA).
 
Je pense que la plupart d’entre nous avons connu des IgGs sous forme d’autoanticorps et d’alloanticorps réactifs à froid tels que les anticorps anti-M, -N, -P, -IH ou même –Pr tandis que de rares anticorps dirigés contre les antigènes Rh de type IgM réactifs à chaud, détectables seulement suite à l’incubation à  37ºC mais pas par le TIA, ont provoqué des débats dans les années 1980 pour savoir si la lecture après une incubation de 37ºC pourrait être omise.
 
Donc,
Qu’est-ce qui régit la préférence de température d’un anticorps?
 
Ce n’est PAS la classe d’anticorps ! C’est la structure chimique de l’antigène qui dicte la préférence de température de son anticorps correspondant.
 
Si vous vous souvenez de vos journées de formations, il existe quatre types d’interactions moléculaires non covalents entre l’épitope de l’antigène et le paratope (détermination de la complémentarité ou de la région hypervariable) de l’anticorps.
Il s’agit de :
  • Liaisons électrostatiques ou ioniques
  • Liaisons hydrogènes
  • Interactions de Van der Waal et forces répulsives de London
  • Forces hydrophobes
Les deux premiers types de liaisons sont exothermiques et impliquent des antigènes glucidiques et glycoprotéiques : ABH, Ii, P1, Lewis M, N, etc.
 
Les deux derniers types de liaisons sont endothermiques et impliquent des antigènes de protéines et de lipoprotéines : Rh. Kell, Kidd, Duffy, etc.
 
Bien que la température n’affecte pas la constante d’équilibre (Ko) d’une interaction antigène-anticorps donnée, elle affecte le taux d’absorption et de dissociation des anticorps.
 
Pour ceux qui s’intéressent à ce sujet, lisez la suite pour plus de détails!
 
Liaisons covalentes vs forces non covalentes
   Relation entre la force et la distance (d) des liens non-covalents    Énergie de stabilisation Kcal/M)       
Électrostatique  1/d2 5-10
Hydrogène 1/d2 2-5
Hydrophobe   1/d7 1-5
Van der Waal 1/d7 0.5
L’énergie de stabilisation = énergie nécessaire pour rompre le lien
   
Pour les liaisons covalentes, l’énergie de stabilisation est comprise entre 40 et 140 Kcal/M; en d’autres termes, il faut beaucoup plus d’énergie pour briser une liaison covalente que pour rompre les forces non covalentes plus faibles.
 
Les valeurs ci-haut démontrent également que les forces hydrophobes et les interactions de Van der Waals fonctionnent à de très courte distance. Elles diminuent de 10 millions de fois lorsque la distance entre les réactions ne fait que doubler !
 
Liaisons électrostatiques
Ce sont des forces d’attraction entre les sites de charge opposées. Par exemple. COO- et NH3+. Le nombre de groupes de charge dépend du pH du milieu de suspension. La loi de Coulomb stipule que la force entre deux particules chargées e1 et e2 (antigène et anticorps) est indirectement proportionnelle à la constante diélectrique (capacité à dissiper la charge) et au carré de la distance entre ces particules chargées.
          f= e1e2/Dd     où f= force d’attraction(+)                                    D= constante diélectrique
                                          force de répulsion (-)                                 d=distance
                                                        
Liaisons hydrogènes
Lorsqu’un atome d’hydrogène qui est lié par covalence à un atome électronégatif (p. ex., un atome d’oxygène) se rapproche d’un autre groupe électronégatif (p. ex., C=O), alors l’atome d’hydrogène est partagé par les deux groupes chargés négativement formant une liaison hydrogène. La formation de liaisons hydrogènes est exothermique (dégage de la chaleur) et est stabilisée par un environnement aqueux. Par conséquent, une baisse de température augmentera les interactions antigène-anticorps. Les liaisons hydrogènes sont plus importantes dans les déterminants antigéniques composés de glucides que dans ceux composés de protéines ou de lipoprotéines dans la nature.
 
Van der Waals et London
Ce sont des interactions de nuages d’électrons entourant les groupes polaires. La force de Van der Waals est indirectement proportionnelle au septième de la puissance de la distance entre les deux atomes.
 
En revanche, les forces répulsives de London sont dues à la pénétration des champs d’électrons. Les électrons appartenant à un même système (de spin similaire) ont tendance à rester éloignés les uns des autres (principe d’exclusion de Pauli- seulement deux électrons peuvent occuper la même orbite atomique et ils doivent être de spin opposé). La force répulsive londonienne est indirectement proportionnelle au 12ème de la puissance de la distance entre les deux groupes en interaction.
 
Effets hydrophobes
Les effets hydrophobes sont le résultat des interactions de Van der Waals et de London. Les groupes hydrophobes (non polaires) ont une forte tendance à l’auto-association. Les molécules d’eau sont expulsées dans le processus. Les effets hydrophobes peuvent contribuer jusqu’à 50% de la force de liaison totale dans certains antigènes définis par des anticorps réagissant à chaud. Les molécules d’eau extraites entraînent une diminution de l’énergie libre du système, car elles prennent une orientation plus aléatoire lorsqu’elles sont libérées. En d’autres termes, ils ont gagné l’entropie (imprédictibilité). Les effets hydrophobes sont guidés par l’entropie et sont endothermiques (absorbent la chaleur). Par conséquent, une augmentation de la température encouragera les interactions antigène-anticorps.
 
Effets de la température sur le taux d’absorption des anticorps ou de la sensibilisation 
En général, la variation de température peut ou non affecter la réaction Ac-Ag. Dans les réactions exothermiques (ex : anti-I et antigène I), une augmentation de température diminue la constante d’association. En revanche, dans les réactions exothermiques impliquant des anticorps immunitaires, une augmentation de température a un peu d’effet sur leur Ko. Cependant, le taux d’absorption des anticorps dépasse le taux de dissociation à des températures plus élevées
 
Avez-vous essayé d’incuber un anti-D connu avec des hématies test pendant une heure à température ambiante avant le TIA pour voir si cela fonctionne? : )
 
La libération d’énergie prend deux formes :
 
  1. Sous forme de chaleur dans les réactions exothermiques : Les liaisons hydrogènes sont principalement exothermiques et sont associées à des antigènes d’hydrates de carbone, par conséquent les anticorps dirigés contre ces antigènes seront plus réactifs à basse température.
  2. Sous forme de changement dans l’entropie (caractère aléatoire) : Les effets hydrophobes sont endothermiques et guidés par l’entropie, donc la réactivité des anticorps dirigés contre les antigènes de nature protéiques sera favorisée à une température plus élevée.
 
Si vous souhaitez en savoir plus à ce sujet, il existe une ancienne publication de l’AABB, mais facile à lire, intitulée « Antibody-Antigen Interactions Revisited », publiée au début des années 80. Comme je suis loin de mon bureau, je vous enverrai la référence exacte à votre demande.
 
Meilleures salutations,
 
Eric

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