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Un voyage à travers l’accréditation ISO

par: Marie-Hélène Bouchard

Pour un bref retour en arrière, en 2018 nous apprenions qu’au Québec, la médecine transfusionnelle ne serait plus accréditée par Agrément Canada. Les laboratoires médicaux allaient dorénavant être accrédités respectivement par l'ISO 15189, l'ISO 22870 pour les EBMD et la CSAZ902 pour la médecine transfusionnelle. Jusqu'à présent, rien de bien grave. Nous sommes habitués aux différentes normes : Z902, norme SCMT (qui font un excellent travail), le règlement sur le sang ou la loi de Vanessa, rien ne pourrait mal tourner, n'est-ce pas ?
 
Eh bien, pour ceux qui ont plus d'expérience que moi, vous devinerez probablement que j'avais tort.
 
Notre première évaluation selon la norme ISO 15189 a eu lieu en 2019-10
 
Vérification, validation :

Le premier choc de culture avec la norme ISO est certainement les dossiers de vérification et validation analytiques. Pour faire un bref résumé, la 15189 est étroitement liée à votre offre analytique ainsi que la méthode d’analyse utilisée. C’est donc dire que vos analyses doivent avoir un dossier de vérification complet spécifiant les paramètres évalués (concordance, fidélité, limite de détection, évaluation des sources d’incertitude), les résultats à atteindre ainsi que la confirmation que les résultats ont été atteint (7.3.2 ISO 15189-2022). Dépendamment si l’analyse est qualitative ou quantitative les paramètres évaluer vont varier.
 
Bien évidemment lorsque nous changeons de réactifs ou d’analyseurs nous effectuons tous des comparaisons. Si vous êtes chanceux vous avez même peut-être encore la collecte de données initiale quelque part cachée dans une boîte poussiéreuse, mais aviez-vous spécifié les critères évalués ? Avons-nous évalué la maitrise des risques (avec la méthode des 5 M par exemple) ?  OU pire ! Est-ce que le spécialiste avait signé le rapport de vérification avant la mise en production ?

Ce n’est probablement pas toujours le cas.

Et que fait-on avec les analyses qui ont vu le jour bien avant que nous ayons eu notre diplôme ?
Eh bien, non elles ne sont pas exemptées du dossier de vérification. Celui-ci peut être produit à partir des collectes de données des contrôles internes et externes fait au fil du temps.
 
Un autre point important duquel il faut tenir compte (duquel historiquement on ne se souciait pas toujours) est l‘adhérence de la méthode à la monographie du fabricant. Parce que si nous ne respectons pas la monographie du fabricant alors nous tombons sur le critère ISO 7.3.3 et devons produire un dossier de validation qui comporte plus de critères. Donc si on dilue des antisérums ou des cellules commerciales il faut toujours se poser la question s'il s'agit d'une pratique couverte par les validations du fabricant.
 
Pour en savoir plus sur les vérifications, validations :
CLSI EP12 Evaluation of Qualitative, Binary Output Examination Performance, 3rd Edition

COFRAQ SH GTA 04 Guide technique d'accréditation de vérification (portée A) / validation (portée B) des méthodes de biologie médicale

 
 
Formation et maintien des compétences :

Un autre point qui fut un gros défi est le dossier du maintien des compétences. Comme le stipule CSA 4.3.3.1 le laboratoire doit avoir un programme d’évaluation des compétences à la fin de la formation et ensuite à intervalles réguliers.

Lors de la première vague d’accréditation le programme de maintien des compétences était souvent déficient au laboratoire et comme la médecine transfusionnelle est aussi auditée pour Z902 il fallait donc inclure le personnel clinique. Les heures de formations continues et auto évaluations de nos ordres professionnels ne nous exemptaient pas de ce programme de maintien des compétences.

C’est donc en partenariat avec les unités de soins que nous avons dû travailler fort pour produire des programmes de formation et maintien des compétences pour le personnel transfuseur. Ce travail collaboratif n’est pas sans difficulté puisque cela implique différentes unités, différentes directions, différents chefs de service qui sont aussi en déficit de personnel et ont leur propre priorité.

Bien des années plus tard, nous avons surmonté le défi et ces programmes continuent de durer dans le temps même s’il manque encore quelque titre d’emploi à inclure (ex : chargé de sécurité transfusionnelle)
 
Évaluation externe de la qualité (EEQ):

Le Conseil Canadien des normes possède des critères stricts sur la couverture des EEQ. Si aucun EEQ n’est disponible une approche alternative doit être effectuée.

Lors de nos premières accréditations la liste des analyses devant être contrôlées n’était pas toujours claire notamment pour les traitements enzymatiques (Ega-KIT,WARM). Il est important de bien définir les analyses devant faire partie de la portée analytique VS les traitements qui ne sont pas une analyse en soi. (Ils doivent par contre être intégrés lors des dossiers de vérification, étant donné qu’ils font partie d’un sous -processus d’une analyse).

Une autre nouveauté est qu’avant de partir une nouvelle analyse nous devons réussir un EEQ. Règle qui n’était pas systématiquement suivie avant.

Pour plus d’informations sur la couverture exigée par le CCN voir : https://scc-ccn.ca/resources/publications/requirements-and-guidance-proficiency-testing-testing-and-medical
 
Une norme de démonstration :

Bien évidemment nous faisons tous un travail excellent ! Mais comment le prouver ?

C’est un changement majeur avec notre ancien organisme accréditeur, nous devions fournir une preuve que nous répondions à la norme sur tout. Vous avez un processus de notification des receveurs ? Certes mais comment prouver que le processus fonctionne réellement? Vous avez mis en place une action corrective ? Comment pouvez-vous que vous en avez vérifié l’efficacité ?

L’accréditation ISO demande un effort de documentation assez important et idéalement une structure claire afin de pouvoir si retrouver rapidement lorsque nous sommes audités. Cette documentation alourdit un peu la bureaucratie de notre système qualité. Heureusement la COVID nous a permis de se familiariser avec beaucoup de nouveaux outils technologiques collaboratifs qui facilitent la tâche.
 
Et la nouvelle norme ?

Les normes ISO ont une connexion très étroite avec la gestion de risque il n’est donc pas étonnant que la nouvelle 15189, sortit 2022, mette beaucoup l’accent sur la gestion de risques.

Intuitivement nous faisons tous de la gestion de risques dans nos activités quotidiennes. Nous allons régulièrement décider de mettre des mesures en place pour mitiger un risque plus important ou en ignorer d’autre sans grand impact. Dans la ISO 15189 c’est une approche plus systématique du risque qu’on nous demande.

Nous devons cartographier nos risques dans nos processus, les évaluer et mettre des mesures de contrôle au besoin. Si malgré tout il existe des risques résiduels il doit être communiqué aux utilisateurs.

C’est donc une approche beaucoup plus structurée de la gestion de risques. Bien qu’il existe beaucoup d’outils de gestion de risques disponibles certains ont opté pour la matrice de risque.

Même si ici nous avons adopté la matrice des risques, il existe différents modèles disponibles. Le plus simple étant celui basé sur le calcul de l'impact et de la probabilité.
 
Il y a toujours des défis :
 
  • Le fait que le reste de l'hôpital relève toujours du d’Agrément Canada constitue définitivement un défi. Comme les autres directions n’ont pas les mêmes accréditeurs, une non-conformité ISO n’a pas le même impact qu’une non-conformité Agrément Canada
  • Il n’est pas toujours facile d’amener d’autres directions à implanter des nouveaux processus pour une non-conformité d’une accréditation qui ne les touche pas. 
  • Un autre défi est que, bien que les structures qualité se soient adaptées localement avec l’ajout de certains titres d’emploi notamment les spécialistes, il n’y a pas de structure uniforme imposée, les ressources additionnelles peuvent donc varier d’un endroit à l’autre.
  • L'ISO est très forte en matière de gestion des risques, mais en médecine transfusionnelle, le risque peut exister du début à la fin. Dans l'ensemble, c'est une très bonne amélioration de s'assurer que tous nos employés ont suffisamment de soutien lorsqu'ils prodiguent des soins aux patients, que nous effectuons de meilleures vérifications analytiques, mais tout commence par une prescription de produits sanguins. Tous les efforts investis en amont ne servent à rien si à la base des critères de pertinence, des seuils transfusionnels et les critères de transfuser avec soins ne sont pas appliqués en amont. Les transfusions présentent un risque résiduel, il est également important d’éviter les transfusions inutiles
 
Pour conclure :

Dans l’ensemble, l’accréditation ISO a apporté une belle amélioration : une meilleure vérification de l’analyse, plus d’évaluation des compétences, plus de paperasse (soupir), une structure plus robuste de gestion des risques et d’analyse d’impact, mais toutes les accréditations ont leurs points forts et, en fin de compte, nous devons apprendre de chacun pour fournir de meilleurs soins à nos patients.

C’était une expérience à la fois ardu et enrichissante.

Nos systèmes de qualité ont su s’adapter au changement et modifier leur structure pour répondre à cette norme de qualité élevée.

Même si l’accréditation comportait des défis, rien n’est insurmontable et nos équipes qualité s’en sont tirés avec brio.
 

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